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DU LIT DES PRINCES À LA FOSSE COMMUNE – LA PRINCESSE DE MONTCAIRZAIN

DU LIT DES PRINCES À LA FOSSE COMMUNE – LA PRINCESSE DE MONTCAIRZAIN

Il en est de l’histoire comme du lit des fleuves. Parfois, ceux-ci paressent longuement dans de longues plaines, parfois tel un torrent furieux, ils se précipitent de rochers en cascades en rapides furieux.

Tel fut le sort des Français qui naquirent dans le dernier quart du 18ème siècle. Leur enfance s’écoula tout d’abord souvent sur un lit de roses. « Celui qui n’a connu les dernières années de l’Ancien Régime ne sait ce qu’est la douceur de vivre » s’écriait le prince de Talleyrand-Périgord vers la fin de ses jours en 1838.

Celui-ci pouvait en effet se targuer d’avoir mené sa barque personnelle à travers la période la plus cahoteuse, la plus chargée d’embûches de toutes sortes. Entre 1757 et 1838, il traversa trois règnes des rois de France, la Constituante, la Convention, la Terreur, le Directoire, le Consulat, l’Empire, les 100 jours, la Restauration. Cette dernière ainsi que le règne de Louis XVIII, fournirent à cet acrobate de l’histoire la fin de vie tranquille d’un ambassadeur du roi très chrétien à la cour d’Angleterre.

Après avoir été évêque d’Autun, puis apostat, il réussit le tour de force de mourir en paix avec l’église. Pendant les 50 ans de sa carrière, il réussit à ne jamais quitter les plus hautes fonctions, passant avec une agilité d’artiste d’un gouvernement à l’autre sans jamais tomber en disgrâce.

Cette période fut pourtant le contraire d’un long fleuve tranquille. Elle fourmille en biographies extravagantes et incroyables.

Voici entre autres l’histoire improbable de la princesse de Montcairzain.

Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant il est l’anagramme de Conti-Mazarin, deux personnages célèbres de l’Ancien Régime.

Elle était née, affirmait-elle, des amours tumultueuses du prince de Conti et de la duchesse de Mazarin, grande dame de la cour des rois Louis XV et Louis XVI, vers 1763. Ces deux personnages étant mariés chacun de leur côté, on tint secrète la naissance de la fillette mais on lui fit donner une éducation princière et on ne lui cacha pas son origine et son titre « in partibus » d’altesse sérénissime. On lui constitua une « maison », un hôtel sis rue de Cléry en plein Paris, orné de marbres et de glaces éblouissantes. Elle reçut pour maître entre autres Jean-Jacques Rousseau, grand maître « écologique » de l’époque, et de plus, inventeur de nouvelles méthodes d’éducation. On lui constitua une petite « cour », ainsi qu’une nombreuse domesticité. Elle apprit l’italien, le grec, le chinois, le latin, l’équitation, l’escrime. Elle sut aussi la cuisine, les exercices militaires et aussi d’autres « arts » réservés aux jeunes filles de haute noblesse.

Mais à l’âge de 18 ans, la fée qui présidait à sa naissance disparut brutalement. Elle fut enlevée à son palais, à ses domestiques et aussi à ses espérances et fut expédiée au fond de la province éloignée de Lons le Saulnier. Là on lui donna à choisir entre le couvent et le mariage avec un obscur officier du roi de quarante ans son aîné et de revenus modestes. Sans doute les héritiers du prince de Conti décédé récemment avaient-ils refusé de partager leur héritage avec cette enfant adultérine de leur père.

Mariage forcé

C’est ainsi que mariée de force avec la complicité des prêtres locaux, elle se refusa toujours à son mari et réussit à s’enfuir en Suisse. S’ensuivit une vie qu’un romancier romantique n’aurait pas refusée. Pendant trente ans, elle revendiqua son titre d’altesse sérénissime, fille du prince de Conti. Même sous la Terreur, elle se revendiqua fille de prince, ce qui aurait dû lui valoir un billet pour l’échafaud, qu’elle évita de justesse. Son problème était de ne pouvoir prouver son ascendance princière. Fort heureusement pour elle, la crédulité vient en aide aux amateurs de merveilleux. Pour la noblesse, elle n’était rien, et pour les autres, elle n’était qu’une bâtarde.

Par quel miracle, en pleine Terreur, elle réussit à se faire admettre au Temple où la famille royale vit ses derniers mois de captivité et le roi Louis XVI lui octroie une pension qu’elle ne touchera jamais, bien sûr.

La Terreur ouvre pour cette proscrite une période où elle frôle en permanence l’échafaud, tantôt déguisée en garde national, tantôt fugitive se nourrissant de champignons dans les forêts de Touraine, elle réussit à survivre à la Terreur, bien que « sans feu, sans lumière et sans chemise, sans soulier et sans lit ».

Elle traversa toute cette période sans jamais oublier de réclamer son « héritage » de princesse… in partibus. L’Empire, en 1804, lui fait vivre enfin une période plus calme qui la trouve… marchande de tabac à Orléans.

Marchande certes mais toujours se rêvant princesse, toujours revendiquant son ascendance, à tel point que le ministère de la police finit par s’en émouvoir et à rechercher ce qu’il pouvait y avoir de vrai dans ces jérémiades de vieille folle.

Lors de la Restauration, elle ne put attendrir personne et sombra définitivement. On croit qu’en 1825 elle mourut de froid et de faim… toujours à Orléans où son corps finit à la fosse commune.

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